La cheffe des droits de l’homme des Nations Unies, Michelle Bachelet, a condamné lundi « avec la plus grande fermeté » l’exécution de quatre militants pro-démocratie par l’armée du Myanmar, « malgré les appels répétés de l’ONU et de l’ensemble de la communauté internationale » à ne pas le faire.
« Je suis consternée de constater que, malgré les appels lancés dans le monde entier, les militaires ont procédé à ces exécutions sans aucun égard pour les droits de l’homme », a déclaré Mme Bachelet.
Malgré les appels lancés dans le monde entier, les militaires ont procédé à ces exécutions sans aucun égard pour les droits de l’homme
« Cette mesure cruelle et régressive est une extension de la campagne de répression que l’armée mène actuellement contre son propre peuple », a estimé la Haute-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme.
Selon Mme Bachelet, ces exécutions, les premières au Myanmar depuis des décennies, « constituent des violations cruelles des droits à la vie, à la liberté et à la sécurité de la personne, ainsi que des garanties d’un procès équitable. Le fait que l’armée étende ses meurtres ne fera qu’aggraver son implication dans la crise qu’elle a elle-même créée ».
Libérer les prisonniers et rétablir le moratoire
La Haute-Commissaire a demandé la libération immédiate de tous les prisonniers politiques et des autres personnes détenues arbitrairement. Elle a également exhorté le pays à rétablir son moratoire de facto sur l’application de la peine de mort, en tant qu’étape vers son abolition éventuelle.
Le 25 juillet, les médias d’État du Myanmar ont annoncé que l’armée avait exécuté quatre personnes, dont l’ancien député de la Ligue nationale pour la démocratie (NLD) Phyo Zeya Thaw, le militant pour la démocratie Kyaw Min Yu, plus connu sous le nom de Ko Jimmy. Hla Myo Aung et Aung Thura Zaw sont les deux autres hommes exécutés.
Ko Jimmy et Phyo Zaya Thaw ont été arrêtés respectivement le 23 octobre et le 18 novembre 2021. Ko Jimmy a ensuite été accusé de sédition. Phyo Zayar Thaw et Ko Jimmy ont également été inculpés en vertu de la loi antiterroriste et condamnés à mort par un tribunal militaire le 21 janvier 2022. Leurs appels ultérieurs ont été rejetés.
Hla Myo Aung et Aung Thura Zaw ont été reconnus coupables de meurtre. Leurs appels ont également été rejetés.
Des tribunaux militaires à huis clos
Au Myanmar, ces affaires sont entendues par des tribunaux militaires à huis clos.
Depuis le coup d’État militaire du 1er février 2021, 117 personnes, dont deux enfants, ont été condamnées à mort, dont 41 par contumace.
Plus de 11.500 personnes sont toujours en détention pour s’être opposées à la prise de pouvoir par les militaires.
« Le plus inquiétant, c’est que plus de 30% des plus de 2.100 personnes tuées depuis février 2021 sont mortes en détention militaire – la plupart à la suite de mauvais traitements », a déclaré Mme Bachelet.
Le 3 juin, le Secrétaire général des Nations Unies, António Guterres, a exprimé son inquiétude face à la décision de l’armée de procéder à des exécutions et a réitéré ses appels au respect des droits des personnes à la liberté d’opinion et d’expression.
Mme Bachelet s’est fait l’écho de son appel à l’armée pour qu’elle « abandonne toutes les charges contre les personnes arrêtées pour des motifs liés à l’exercice de leurs libertés et droits fondamentaux » et à la libération immédiate de tous les prisonniers politiques au Myanmar.
« Les militaires semblent peu soucieux de mettre fin à cette crise ou de réduire la violence conformément à leurs obligations internationales, sans parler d’une quelconque volonté de respecter les procédures régulières, la justice ou l’État de droit », a déploré Mme Bachelet.
La Haute-Commissaire a réitéré son appel aux voisins du Myanmar et à l’ensemble de la communauté internationale pour que l’armée soit tenue de respecter ses engagements en vertu du droit international, ainsi que le « consensus en cinq points » de l’ASEAN.
Une réponse internationale forte
Le Rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme au Myanmar a, pour sa part, appelé à une « réponse internationale forte » après l’exécution des quatre militants pro-démocratie par la junte militaire.
Thomas Andrews s’est dit « indigné et dévasté » par ce qui est considéré comme le premier recours à la peine capitale dans ce pays d’Asie du Sud-Est depuis des décennies.
Les quatre personnes ont été reconnues coupables d’avoir aidé à commettre des « actes terroristes ».
Les exécutions ont eu lieu malgré les appels à la clémence lancés dans le monde entier en faveur des quatre hommes, notamment par des experts des Nations Unies et par le Cambodge, qui assure la présidence tournante de l’Association des Nations de l’Asie du Sud-Est (ASEAN).
M. Andrews a condamné la décision de procéder à ces exécutions lorsqu’elles ont été annoncées en juin. Dans une déclaration, il a déclaré que les hommes avaient été « jugés, reconnus coupables et condamnés… sans droit d’appel et, semble-t-il, sans avocat, en violation du droit international relatif aux droits humains ».
Il a appelé les États membres de l’ONU à prendre des « mesures énergiques » contre les « meurtres généralisés et systématiques de manifestants, les attaques aveugles contre des villages entiers et maintenant l’exécution de dirigeants de l’opposition ».
« Le statu quo de l’inaction internationale doit être fermement rejeté », a affirmé M. Andrews.